Suivre et évaluer la performance et le changement

Le Cota accompagne plusieurs organisations dans la conception et la mise en place de dispositifs de suivi-évaluation. Il devient courant que l’on nous demande de travailler non seulement sur des dispositifs de suivi-évaluation « classiques », centrés sur le suivi d’activités et d’indicateurs objectivement vérifiables, mais aussi sur des dispositifs plus ambitieux, à finalité plus qualitative, qui visent à apprécier les changements générés par une intervention. Ces deux approches sont-elles opposées ou complémentaires ? Exigent-elles les mêmes dispositions et postures techniques de la part des organisations qui souhaitent les adopter ? Voici un bref éclairage sur le sujet.

Suivre et évaluer la performance : entre validation des résultats obtenus et redevabilité

L’approche basée sur la performance (le suivi d’activités et d’indicateurs objectivement vérifiables) est avant tout centrée sur la redevabilité envers un bailleurs de fond, pour permettre notamment de rendre compte dans le cadre de l’utilisation de fonds publics. Elle représente également un outil indispensable pour piloter une intervention, et suivre la mise en œuvre et le déroulement d’activités concrètes. Elle peut aussi contribuer à mobiliser et à manager une équipe dans la durée. En effet, démontrer des résultats probants sur le court terme est un bon moyen de maintenir une dynamique collective et un degré d’investissement constant. Sans occulter un risque réel de « pression excessive sur les résultats », les dispositifs de suivi-évaluation orientés performance peuvent devenir en partie des outils de valorisation continue du travail de chacun, autour d’objectifs partagés.

Les données générées par le suivi-évaluation basé sur la performance sont le plus souvent quantitatives, et ne démontrent pas réellement l’utilité sociale ou économique d’une intervention. Cette approche est en général perçue comme un simple moyen d’attester de résultats sur le court terme (les activités prévues ont-elles été oui ou non réalisées), et de justifier de l’utilisation des moyens alloués. Pourtant, dans une optique d’appréciation globale et plus qualitative des projets et programmes mis en œuvre par les organisations, la redevabilité induite par cette approche devrait également porter sur les changements auxquels l’intervention contribue.

Vers une lecture plus globale et plus qualitative : l’appréciation du changement

L’approche centrée sur le changement est généralement perçue comme un outil d’apprentissage au sein d’une organisation, ou entre plusieurs organisations. Les données qu’elle génère sont essentiellement qualitatives et parfois issues d’un croisement de perceptions entre différents acteurs. Cette approche assume une part de subjectivité, dans la mesure où un changement peut être perçu et vécu de différentes manières, dépendamment des perspectives des acteurs impliqués et de leurs interactions. Le suivi-évaluation du changement est centré sur l’impact (socioéconomique en général) des projets et programmes mis en œuvre ; de ce fait, il ne peut s’envisager que sur un temps long, au-delà de la temporalité des projets et programmes (entre 1 et 5 ans en moyenne), considérant que les dynamiques à l’œuvre sont progressives et se traduisent de manière nuancée dans les évolutions sociétales.

De par le rapport au temps et aux acteurs qu’elle induit, cette approche s’inscrit donc dans une perspective plus large que la seule intervention d’une organisation. Elle prend en compte l’ensemble du contexte politique, social, économique dans lequel cette intervention se déroule. C’est en ce sens que l’on parle de « contribution » au changement et non « d’attribution », comme on peut le faire pour un résultat immédiat. Le changement ne suit que rarement une logique organisée autour d’indicateurs objectivement vérifiables, dans la mesure où la perception du changement varie d’un acteur à l’autre. Le suivi du changement s’intéresse davantage à la manière dont l’intervention s’est déroulée dans le contexte, plutôt qu’à son résultat final. C’est un moyen d’interroger des choix stratégiques et de répondre plus facilement aux exigences d’un contexte mouvant.

Quelle complémentarité entre ces deux approches ?

Le suivi-évaluation centré sur la performance et le suivi-évaluation centré sur l’apprentissage suivent des temporalités et des objectifs différents. Néanmoins, les utiliser en complémentarité permet de dessiner une appréciation globale de l’intervention, en elle-même et dans son apport à l’évolution du contexte d’ancrage. Les deux approches nécessitent par ailleurs des méthodes et des outils adaptés et complémentaires. Une matrice de suivi-évaluation orientée vers les résultats immédiats et une matrice de suivi-évaluation du changement ne seront certes pas les mêmes, mais les données quantitatives et qualitatives qu’elles génèrent s’auto-alimentent et se complètent utilement.

Le suivi-évaluation centré sur la performance est une pratique aujourd’hui bien maîtrisée par les organisations ; l’appréciation du changement est en revanche une pratique nouvelle, qui nécessite souvent un pas de côté. Il ne s’agit en effet plus de vérifier le pourcentage d’atteinte d’un résultat, mais bien d’être à l’écoute des acteurs, du contexte et de croiser et d’analyser ces perceptions sans jugement de valeurs. Les approches orientées changement nécessitent également plus d’humilité, considérant qu’il est très difficile d’objectiver complètement la part de contribution d’une organisation à une dynamique de changement. Les données ainsi générées doivent donc permettre, avant tout, de se questionner collectivement et de réinterroger non seulement la manière de faire, mais aussi le sens d’une action.

Dans ses interventions, le Cota utilise les deux approches de manière complémentaire, en fonction des attentes et des besoins des acteurs concernés, au regard du contexte dans lequel ils évoluent. Une approche, une méthode, un outil ne sont-ils pas pertinents et utiles que s’ils sont précédés d’une réflexion sur le sens ? Que veut-on savoir de nos interventions ? A quelles fins agissons-nous ?